Le co-selling est équivalent à ce qu’on appelait autrefois politiques de partenariat. L’idée étant d’arriver à faire de la vente indirecte efficacement, en s’alliant avec d’autres pour être plus efficace dans sa démarche commerciale. Dans cette interview, Yves Blandiaux CEO de Wave4Growth, répond à nos questions.
Le choix des partenaires dans une stratégie de co-selling
Gartner a indiqué dans son rapport 2021 que le co-selling serait un des points majeurs des prochaines années. Mais est-ce quelque chose de véritablement nouveau ?
Je ne pense pas que ce soit fondamentalement nouveau.
L’idée décrite par Gartner est de se placer dans une vente indirecte efficace, en utilisant tous les outils adaptés pour rendre cette vente indirecte la plus efficace possible. Le vendeur et le partenaire auront chacun leur rôle et leurs responsabilités, de façon à ce que le business rentre le plus efficacement possible au travers de ce montage de co-selling.
Cette recommandation de Gartner ne traduit-elle pas le caractère impérieux de travailler en commun, de faire du co-selling avec d’autres partenaires, dans ce cadre de l’après, donc une situation accrue par rapport à ce qu’il y avait avant ?
Toute société, que ce soit une TPE ou une société plus établie, a commencé par faire ses preuves en vendant en direct. Elle a construit un produit, un service, une solution. Elle doit d’abord faire ses preuves et montrer qu’il y a un intérêt pour ce qu’elle propose sur le marché qu’elle cible.
Ensuite, il y a ce besoin impérieux de grandir et par les temps qui courent, la croissance est plus difficile à aller chercher.
L’impératif de beaucoup de ces sociétés est d’aller conquérir de nouveaux territoires, d’aller démarcher de nouveaux segments, de positionner des solutions, peut-être de nouvelle génération. Ce n’est pas idiot de se dire que à 2, ou à 3 ou 4, on sera plus forts que seul.
Mais avant d’être plus forts à 2, à 3 ou 4, il faut être fort seul. Il faut avoir démontré qu’il existe un besoin sur un marché ciblé par rapport à ce qui existait avant.
J’accompagne beaucoup de TPE ou de start-ups qui n’arrivent pas à vendre correctement, qui se tournent vers un modèle indirect et se disent “on va essayer de convaincre un partenaire d’aller vendre pour nous”.
Et cela ne fonctionne pas, parce que l’on va chercher un partenaire ou un co-selling partner pour de mauvaises raisons. Il y a ce besoin impérieux de scalabilité, de faire grandir son business, d’aller conquérir de nouveaux territoires.
Et donc, naturellement, le co-selling est une alternative importante à considérer.
Des motivations pour le co-selling différentes selon la taille ou la nature de l’entreprise
Les grands groupes, les sociétés déjà bien en place, sont également dans une logique de co-selling souvent depuis très longtemps, sans peut-être le déclarer ouvertement.
La plupart de ces grands groupes s’appuient sur un modèle hybride, de vente directe et indirecte, dans lequel d’autres acteurs vont aider à rendre cette vente plus efficace, dans un souci de scalabilité, purement et simplement.
Imagions que je sois en train de vendre pour 100 dans un marché, moi en direct. Quels sont les partenaires qui pourraient démultiplier ma force de frappe sur ce marché pour que je puisse vendre pour 500 ou 1000 ?
Plus que la taille de l’entreprise c’est vraiment le cycle de développement dans lequel on se trouve au sein de la société qui va pousser dans une logique plutôt qu’une autre.
Les critères de choix des partenaires en co-selling
J’aime appliquer une matrice 2/2
La première dimension est la valeur ajoutée que le partenaire va apporter à la société qu’il recrute, et indirectement également au client.
Ce premier axe commence par une valeur ajoutée limitée, s’il s’agit d’une revente pure et dure de ce que l’on propose soi-même en direct sur le marché. Cette valeur ajoutée sera de nature logistique.
Si on parcoure cet axe vers la droite, on va arriver à des partenaires qui vont plus loin et qui construisent une solution pour un marché donné, en intégrant différents composants tiers, y compris notre solution que l’on souhaite lui confier dans un modèle de co-selling. Il s’agit ici d’une valeur ajoutée d’intégration.
Si on continue sur la droite de cet axe, on arrive sur un modèle ou le partenaire est finalement la personne qui a construit une plateforme qui lui appartient et dans laquelle notre solution peut se retrouver intégrée. Ce qui apporte une valeur ajoutée de type développement et co-développement d’une solution.
Il est important de bien calibrer si on souhaite un revendeur, un intégrateur, ou si on cherche une plateforme qui va héberger notre solution, car les discussions et les partenaires que l’on va approcher seront fort différents.
Le deuxième axe va s’attacher à regarder la relation entre le vendeur et le partenaire
Est-ce une relation transactionnelle ? Là on sera en bas de l’axe vertical.
Ou est-ce l’on monte et on s’éloigne du transactionnel pour aller plus vers un axe stratégique, voire une alliance ?
Plus on va monter sur cet axe vertical, plus le partenaire et la société qui engagent ce partenaire vont s’entendre sur des ressources à mettre en commun, sur des résultats à réaliser ensemble. C’est la grille de lecture que j’aime bien regarder lorsque je réfléchis à un partenaire. Il n’y a pas un seul type de partenaire, et il y a beaucoup de choses que l’on peut demander ou imaginer avec un partenaire dans un montage de co-selling.
Comment choisir son partenaire dans cette grille à deux dimensions ?
Il y a d’abord un choix éminemment stratégique, qui consiste à se dire, par rapport à ce que je peux fournir en tant que vendeur :
ce que je peux fournir se consomme-t-il de façon indépendante ?
y a-t-il un marché pour ce que je peux fournir ?
est-ce que sais activer ce marché ? Auquel cas, peut-être qu’un revendeur pourrait faire le job.
Ou alors je peux valoriser ma brique de base, mais elle sera mieux valorisée si elle est intégrée dans un écosystème de différents tiers contribuant à former une solution. Auquel cas, je dois essayer de trouver un intégrateur.
Ou au contraire ma brique de base peut s’intégrer dans une plateforme plus large qui serait la propriété de ce fameux partenaire.
Ce choix stratégique, qui consiste à savoir que si je porte mon offre indépendamment vers le marché, ou si je la porte au travers d’une intégration de différents tiers, ou si je la porte au travers d’une plateforme qui est contrôlée par quelqu’un d’autre, est important et va me permettre de trier les différents partenaires potentiels.
Monter un partenariat prend du temps et des ressources, cela ne se fait pas juste d’un claquement de doigts :
est-on bien aligné en termes de vision avec ce partenaire ?
lui fait-on confiance?
voit-on des quick-win, la possibilité d’engranger des succès un peu rapides ?
a-t-on un alignement d’exécution commercial ?
va-t-on pouvoir travailler, faire travailler nos vendeurs respectifs ensemble pour aller chasser le business ?
Ces critères sont importants.
Je suggère de favoriser les alliances, c’est-à-dire de se poser la question de savoir avec quel partenaire va-t-on pouvoir avoir ces discussions de ressources d’investissement et de résultat commun.
Parce que souvent, on devient partenaire et puis advienne que pourra. Le partenaire va un peu vendre ou pas. Est-ce que c’est bon ou pas ? On n’en sait rien.
Dès le moment où l’on s’est engagé à investir conjointement et à presque « signer avec notre sang respectif » sur des résultats concrets, cela peut orienter un choix de partenaire plutôt qu’un autre.
En résumé, cela prend beaucoup de temps, il ne faut pas se tromper, il faut considérer tous ces éléments, autrement on travaille peut-être pour rien.
Alignement nécessaire entre les deux équipes commerciales
En général, il n’y a pas d’exclusivité entre un partenaire et un vendeur. Il est donc très probable que les commerciaux du partenaire travaillent avec d’autres vendeurs et que les commerciaux du vendeur travaillent avec d’autres partenaires.
C’est absolument capital de pouvoir d’une certaine façon, se taper dans la main, presque deal par deal, pour se dire nous, commerciaux d’un côté et de l’autre côté, allons travailler ensemble sur ce deal.
Et en bonne intelligence, ce qui veut dire que dès le moment où on l’a décidé, le partenaire ne va pas solliciter un autre vendeur, et vice-versa. Cet alignement est vraiment important.
Comment aligner les partenaires autour d’un programme de traffic lighting
Il faut se parler beaucoup, essayer de formaliser un mode de collaboration, avoir des revues fréquentes qui permettent aux commerciaux de part et d’autre de colorer ces affaires.
Plus on fait ces revues de Traffic Light – et on essaye de comprendre le positionnement des uns des autres -, plus on essaye d’éviter les surprises. Il n’y a rien de plus désagréable, dans un partenariat ou une alliance, que de se rendre compte en bout de course, lorsque le deal est presqu’à la signature chez le client, que l’un ou l’autre fait des infidélités.
Les trois principales choses à faire en co-selling
Il ne faut pas signer un partenariat ou une alliance à la légère.
Cela va prendre beaucoup de temps parce qu’il va falloir faire ce fameux partnering enablement, que les vendeurs aiment bien qualifier :
il va falloir former le partenaire ;
lui amener de l’information pertinente pour démarcher le marché et le client ;
l’embarquer sur des programmes de certification parce que le partenaire devra avoir une certaine expertise pour pouvoir porter l’offre du vendeur.
Le premier point est un plan d’investissement pour amener mon partenaire à niveau afin qu’il devienne le plus rapidement possible autonome par rapport aux sujets qui sont dans le partenariat.
Le deuxième point : il est très important que le vendeur ne laisse pas le partenaire faire le business sans continuer lui à parler avec le client final.
Ce serait une grave erreur. Il faut continuer à créer une préférence pour sa marque en tant que vendeur chez le client final et travailler de concert avec le partenaire.
Souvent, dans ce fameux traffic lighting, ce qui est passé du bleu au vert, c’est parce que le client mettait une pression chez le partenaire en disant on aimerait bien travailler avec tel vendeur. Ne pas lâcher cette composante si vous êtes vendeur et que vous rentrez dans une alliance, cette initiative d’aller créer une préférence chez le client final.
Troisième point : bien clarifier la répartition de la rémunération des contrats.
Cette répartition doit être absolument cohérente. Souvent, en tant que vendeur, vous n’allez pas avoir un seul partenaire, vous allez en avoir plusieurs.
Il faut qu’il y ait une cohérence et qu’aucun partenaire ne puisse à n’importe quel moment se sentir lésé.
Si je suis partenaire et que j’apporte une affaire, cela demande une rémunération plus importante que si l’affaire est amenée par le vendeur et que le partenaire va essayer de la clôturer :
y-a-t’ il un effort avant-vente important ou non ?
y-a-t’ il un besoin de certification important ou non ?
la certification a-t-elle été obtenue ?
y-a-t’ il un besoin de co-développement ou non ?
Il faut une cohérence dans la rémunération et les niveaux de discount que le partenaire va recevoir, en fonction de l’effort et de l’investissement qu’il aura consenti.
Les principales choses à ne pas faire en co-selling
1 – Si vous êtes vendeur, il faut être vigilant sur le fait que lorsqu’un partenariat marche très bien, les vendeurs du vendeur ont tendance peut-être à se cacher trop derrière les vendeurs du partenaire.
Les vendeurs chez le vendeur peuvent devenir un peu paresseux.
C’est vraiment un point de vigilance et il faut bien les motiver pour qu’ils continuent à aller, comme je le disais précédemment, créer cette préférence chez le client final, et ne pas simplement rester caché derrière le partenaire.
2 – Le deuxième point est lié au point dont j’ai parlé précédemment, cette cohérence dans le point de discount qui sont alloués.
C’est très facile d’irriter très rapidement un partenaire dès le moment où il a le sentiment qu’un autre partenaire a été favorisé, qu’il a reçu un discount plus généreux sur une affaire déterminée, alors que le partenaire qui se sent lésé pense qu’il a fait tout le travail d’avant-vente. Ces choses montent très vite très haut au sein des organisations.
Le nerf de la guerre de la vente est toujours le commissionnement, il ne faut jamais l’oublier.
Que faire en cas de déception dans un partenariat de co-selling ?
Tout le monde sera déçu à un moment ou un autre, car cela ne va pas être un long fleuve tranquille.
Il est déjà difficile de s’aligner en interne au sein d’une organisation, qu’elle soit grande ou petite. S’aligner sous la forme d’une alliance avec un élément extérieur est encore beaucoup plus compliqué.
Pour essayer de faire fonctionner les choses, il faut avoir des revues périodiques suffisamment fréquentes pour mesurer le progrès des uns et des autres, pour que chaque partie puisse expliciter sa perception de comment le partenariat ou l’alliance est en train de se développer.
Ce ne sera jamais blanc ou noir, il y aura toujours des petites frictions. Et le tout, c’est de pouvoir adresser ses problèmes et ses frictions avant que ça devienne de vraies frustrations.
Il est important de créer un forum où les problèmes peuvent être débattus en transparence et en confiance. Plus rapidement on le fait, plus rapidement on se fâche un peu, et finalement, plus vite on a des chances de faire fonctionner son partenariat.
C’est cette confiance qui va se gagner dans les actes au jour le jour qui fait que cela marchera.
En conclusion, es-tu d’accord avec l’assertion de Gartner qui nous indique que le co-selling serait l’avenir de la vente ?
Je pense que oui. La vente c’est servir des clients et donc la question est de quoi mon client a-t-il besoin pour recevoir ce dont il a besoin ? Souvent il faut plusieurs intervenants ou plusieurs composantes pour le servir correctement.
Il faut donc pouvoir se mettre autour de la table avec différents acteurs pour apporter cette proposition de valeur complète au client. Le co-selling est à mes yeux un point de passage obligé et important pour gagner en 2021 et au-delà.
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